Réduire l’IVV à tout prix ?
Troupeaux laitiers
18 octobre 2021
Temps de lecture : 4 min
En France, l’intervalle vêlage – vêlage (IVV) est situé autour de 410 à 420 jours pour les Prim’Holstein (PH) et de 395 à 400 jours pour les Montbéliardes et Normandes. Le réduire à 400 jours en PH et 390 jours dans les autres races permettrait de faire baisser ses coûts de 2 à 4 € par vache et par jour de réduction de l’intervalle [6]. Mais le calcul est-il vraiment si simple ?
Quels sont les arguments en faveur avancés ?
- L’allongement de l’IVV augmente la proportion de jours peu productifs au détriment des jours très productifs ; il faudrait alors plus de vaches pour produire la même quantité de lait.
- La place en bâtiment étant fixe et souvent limitante, augmenter la production à la place permet alors de diminuer les charges fixes.
- L’efficacité alimentaire est plus élevée en début de lactation car la quantité de lait produite par kilo de matière sèche ingérée est supérieure.
- Pour les élevages avec robot de traite, les vaches en fin de lactation génèrent d’avantages d’échecs.
Si ces arguments sont fondés dans de nombreux cas, ce ne sont cependant pas les seuls à prendre en compte.
Fertilité, Fécondité : Comment s’y retrouver ?
La fertilité correspond à la capacité de l’animal à se reproduire, c’est à dire l’aptitude d’une vache à produire des ovocytes fécondables et à être fécondée lors de la mise à la reproduction.
La fécondité correspond à la capacité d’une femelle à être gestante et à mener à terme une gestation, dans les délais requis. Cette définition intègre donc la fertilité́ et le développement embryonnaire et fœtal jusqu’à la mise-bas. En élevage allaitant la survie du nouveau-né est également prise en compte, ce qui n’est pas le cas en élevage laitier, le vêlage étant suffisant pour démarrer la production laitière. Il s’agit d’une notion économique.
Quelques indicateurs fréquemment utilisés :
- Taux de réforme pour infertilité : indicateur de la fertilité et donc indirectement de la fécondité́.
- Intervalle vêlage-vêlage : indice rétrospectif de la fécondité. Cet indicateur exclut les génisses et les primipares.
- Taux de réussite en 1ère IA et pourcentage de vaches nécessitant plus de 3 IA sont aussi des indicateurs de la fertilité.
Quelques résultats expérimentaux :
Une étude Belge portant sur les résultats économiques de 373 exploitations laitières n’a mis en évidence qu’un impact économique faible de l’IVV, indiquant qu’il n’existerait pas d’optimum d’IVV unique mais plusieurs optima dépendant des conditions de l’exploitation [3].
En France dans la station expérimentale de Trevarez, pendant 6 ans, les résultats de deux groupes de vaches avec des IVV respectifs de 12 ou 18 mois ont été comparés. Dans ces conditions, l’allongement à 18 mois de l’IVV du troupeau s’est soldé par une amélioration de la marge brute de l’exploitation avec pourtant une production totale de lait inférieure malgré une bonne persistance des lactations. Les raisons avancées pour expliquer cette amélioration de la marge sont une diminution des coûts alimentaires et des frais d’élevage ; moins de génisses ont été élevées [2].
Une autre étude Belge a analysé les caractéristiques de vaches ayant produit plus de 100 000 kg de lait au cours de leur carrière. Cette production a majoritairement été atteinte entre la 7ème et la 11ème lactation. L’intervalle entre vêlages moyen de ces vaches avec une production élevée et persistante a été de 429 ± 87 jours [5]. Cette minorité de vaches témoigne qu’il est tout à fait possible d’avoir des vaches productives avec pourtant un IVV élevé. La fécondité ayant tendance à diminuer après la quatrième lactation.
Vous voyez probablement où ces réflexions nous amènent :
Et si plutôt que de prendre seulement en compte l’IVV, il était associé à la longévité des animaux ?
Le nombre moyen de lactations en France en PH se situe autour de 2,7. Or, ce n’est qu’à partir de la fin de la troisième lactation qu’une vache commence à rapporter de l’argent car ses coûts d’élevage depuis la naissance sont enfin compensés par sa production. Les vaches en troisième lactation ont également une meilleure efficience alimentaire car elles n’ont plus de besoins de croissance à satisfaire [4]. Lorsque le taux de renouvellement baisse, les coûts liés à l’élevage des génisses baissent. L’augmentation de la longévité est rentable peu importe le niveau de production [1].
Faut-il à tout prix vouloir modifier son IVV ?
S’il est subi, il est judicieux de chercher pourquoi en analysant la situation globale de l’élevage mais attention à ne pas se conformer à des chiffres et des objectifs qui ne correspondent pas à la réalité de toutes les exploitations. Réduire son IVV, pourquoi pas. Mais pas au prix d’un renouvellement plus important !
Sources
[1] Blais C., et al., 2007. Améliorer la longévité des vaches, est-ce vraiment payant? Le producteur de lait québécois, décembre 2007/janvier 2008, p. 16-18 [En ligne]. Disponible sur : https://www.agrireseau.net/bovinslaitiers/documents/valacta_lplq_2007-12_longevite.pdf (Consulté le 27 sept. 2021)
[2] Brocard V., et al., 2013. Conséquences techniques et économiques de l ’allongement à 18 mois de l ‘ intervalle entre vêlages chez les vaches laitières. In : Rencontre Recherche Ruminants. pp. 273–276 [En ligne]. Disponible sur : http://www.journees3r.fr/spip.php?article3624 (Consulté le 27 sept. 2021)
[3] Dalcq A., 2014. Contribution à l’étude de l’optimum technico- économique de l’intervalle vêlage chez les vaches laitières en Wallonie, plus particulièrement en région herbagère liégeoise. Travail de fin d’études, Master bioingénieur en sciences agronomiques, Université de Liège, 81 p. [En ligne]. Disponible sur : https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/185273/1/TFE%20Anne-Catherine%20Dalcq.pdf (Consulté le 27 sept. 2021).
[4] Pelerin D., 2014. Pour une vache, l’âge d’or c’est la quatrième lactation. In : Symposium sur les bovins laitiers, choix d’aujourd’hui pour les besoins de demain, nov 2014, Saint Hyacinthe [En ligne]. Disponible sur : https://www.agrireseau.net/documents/Document_91654.pdf (Consulté le 27 sept. 2021)
[5] Van Eetvelde M., et al., 2021. Researching 100 t cows: An innovative approach to identify intrinsic cows factors associated with a high lifetime milk production. Prev Vet Med, Août 2021, vol. 193, 105392 [En ligne]. Disponible sur : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167587721001367?via%3Dihub (Consulté le 27 sept. 2021)
[6] Chiffres issus de : https://www.paysan-breton.fr/2019/11/un-intervalle-velage-velage-qui-sameliore/, http://www.fidocl.fr/content/resultats-du-bilan-technique-annuel-2018, https://www.eilyps.fr/ivv-etat-des-lieux-impacts-objectifs/